Quand la restauration de tableaux de l’église de St Julia nous fait vivre leur histoire …..
Le 11 janvier 2024, l’équipe des Ateliers du Lauragais venait décrocher dans l’église de St Julia, un des tableaux du chœur : « la Cène » et la tableau signé Bénézet, qui ornait la chapelle latérale gauche, dite du Sacré Cœur. Depuis, Florence Marcille-Meyerfeld, Jérôme Ruiz, Manuela Bailly-Casedevant et Sandra Abreu ont beaucoup travaillé.
Une restauration délicate
Comme le haut de la toile du tableau de la Cène était déchiré, abimée par des gravats décrochés du mur sur lequel il était suspendu, sous l’effet d’infiltrations d’eau. La toile a donc été retendue grâce à un habile collage de toile supplémentaire et placée sur un nouveau châssis. Les « lacunes » (comprenons les trous apparaissant sur la toile), ont été réparées (masticage), avec des petits morceaux de toile trouvés dans la « bibliothèque » de toiles des restaurateurs, puis « collés » au dos de l’œuvre et renforcés par un entoilage complémentaire. Ce travail minutieux de réparation, est précédé du nettoyage de la toile. Le vernis est enlevé, et laisse apparaître des espaces qui doivent ensuite être repeints, puis revernis. Enfin une toile sera retendue sur la face arrière du tableau pour le protéger de futurs dégâts du temps….
Et c’est à ce moment-là qu’une découverte a lieu… Sur le côté gauche du tableau apparait un petit texte : « don d’Elisabeth Bedène veuve Lagarrigue ». Qui est Elisabeth ? la sœur du père Bedène qui fut curé à Saint Julia, l’épouse et veuve de M. Lagarrigue qui fut maire de Saint Julia pendant la révolution et dont le maire de notre village a retrouvé la trace dans le livre rédigé par l’abbé Aragon et qui conte l’histoire de notre village. Nous allons chercher … Si cette hypothèse est juste, nous pourrions dater assez précisément le tableau de la fin du 18°s ….
Après cette surprise, nous découvrons des détails du tableau qui n’étaient guère visibles avant restauration. Ainsi les traits du diable qui figure sur la droite du tableau apparaissent précisément, le peintre ne lui aurait-il pas donné, comme cela se produit souvent, le visage d’une personne quelque peu détestée …. Mais à qui parle ce diable, est-ce à Judas, ce n’est pas si sûr, car d’autres personnes semblent s’intéresser à la conversation ……
Notre visite aux Ateliers se poursuit avec l’observation du tableau signé Bénézet : Monseigneur de Belzunce, évêque de Marseille donnant la communion aux pestiférés. L’évènement se situe en 1720, la peste est arrivée à Marseille par le bateau « Grand -Saint Antoine » qui arrivait de l’actuelle Syrie, avec une cargaison infestée de puces porteuses du bacille de Yersin. Malgré la règlementation très précise qui avait permis à la ville d’échapper pendant 70 ans à toute épidémie, elle se propage rapidement. La moitié des habitants de Marseille périront et l’épidémie se propagera dans toute la Provence et au-delà. Les religieux seront très présents auprès des malades et l’épisode que relate le tableau de Bénézet est célèbre tant dans la littérature que chez les artistes peintres.
Comprendre la tableau de Bénézet
Le tableau pris en charge par l’équipe des ateliers du Lauragais bénéficie des mêmes efforts que la Cène, même si la toile est moins abimée. Le vernis qui le recouvre est très épais et donc très difficile à faire disparaître…. Mais une fois ôté, il laisse apparaître le travail très fin de l’artiste. Les visages et vêtements de chaque personnage sont surlignés d’un léger trait noir qui met en valeur les mouvements, la qualité des tissus, du cuir des chaussures ou la couleur rouge des chausses de l’un des personnages.
Mgr de Belzunce apparaît au centre du tableau dans sa tenue de prélat (sans mitre ni crosse) mais la corde au cou. L’épidémie est en effet perçue comme une punition de Dieu. Le 1° Novembre, jour de la Toussaint, Mgr de Belzunce traverse la ville, pieds nus, pour montrer qu’il prend à sa charge tous les péchés de la ville et célèbre la messe sur la principale artère de Marseille alors que souffle un violent mistral (https://revue-codex.fr/sommaire/1720-mgr-de-belsunce-est-le-heros-de-marseille/). Le tableau de Saint Julia le représente à genoux…. Au cours de cette célébration, Mgr de Belzunce consacre la ville au « Sacré Cœur de Jésus ». Nous retrouvons l’image emblématique du « Sacré Cœur couronné d’épines » au centre, dans la partie supérieure du tableau.
La signature figurant à gauche du tableau interpelle… parce qu’il y en a deux… En fait les restaurateurs peuvent nous expliquer pourquoi. Bénézet qui est un artiste très pointilleux a décidé de réduire quelque peu la taille de son œuvre. Un fin trait noir permet de suivre le choix de l’artiste. La première signature dépassait un peu du cadre, il en donc réalisé une seconde …
Pour clore cette visite, les restaurateurs et restauratrices nous expliquent que les deux tableaux pourraient retrouver leur place dans l’église de Saint Julia avant la fin de l’année. Nous tacherons d’ici là de vérifier si les hypothèses proposées s‘avèrent ou non fondées ……
Laisser un commentaire